Entrailles et son bonhomme de chemin.
Un autre type de recherche que ces Plateaux. Comment faire ressentir l'endroit où cela va se passer. L'émotion nait aussi d'une forme. Pas que, mais aussi. Question d'équilibre et de tenue d'une idée.
Dés lors comment toucher de l'esprit ce que va donner ce spectacle de Rue ? Où sont les pivots esthétiques, les lignes de forces ? Comment les donner à imaginer dans un espace réduit, non-spectaculaire et ouvert au débat ? C'est le pari de ces 5 jours de fabrication in situ.
Entrailles mélange danse, théâtre, vidéo, scénographie architecturale et électroacoustique, en pleine nature (et dans une salle de 30 m2 pour l'instant !), mais il est vrai que la diffusion des espaces acoustiques occupe l'esprit, un dispositif complexe de technique est autant une chance qu'un défi.
Une contrainte comme une provocation à ne pas lâcher prise sur les enjeux d'un spectacle qui veut faire ressentir avant de dire.
Dans cette salle de quelques mètres carrés il est facile d'impressionner à coup de multidiffusion, d'effets sonores et de bricolages inouïs, mais ce n'est pas le spectacle. Entrailles est un état de va-et-vient entre passé et futur. Un présent composé d'une vie de femme. Un point de vue qui navigue, qui explore au travers des temps manipulés un sentiment de vérité. Un parmi d'autres certes, mais avec cette volonté de toucher l'universelle qui tend les existences.
Finalement, les Plateaux Lorrains permettent d'affiner les esprits. La danse est mouvement, le son est mouvement, le texte est mouvement, tout est mouvement et il est fascinant d'essayer d'en extraire le substantifique pour en montrer tout l'universalité. Là où la justesse d'émotion correspond à l'esprit du texte et des envies, à la profondeur cachée des thèmes abordés. Ce peu montré doit déjà être le tout à explorer.
Le choix de l'abstraction par exemple, choix de forme, est déjà un choix de parole (c'est aussi un sacré défi en Rue !). Une parole qui se veut entièrement accessible (le paradoxe du non mélodique est d'échapper aux enfermements des codes culturels, ce qui apparaitavant-gardiste, ou bizarre, ou étrange, ou contemporain, ou du bruit, ou pour initiés etc, etc, n'est qu'un moyen incroyablement ouvert qui permet de s'appuyer sur les imaginaires de chaque spectateur, sans exclusive).
Le choix du texte aussi. Dit, en voix off, dansé, fracturé, elliptique... un choix à faire, à distribuer, à tester.
Et la danse, et la danse, ce geste, ce quotidien révélé, cette histoire en mouvement, ces strates d'expériences et de vies dénudé. La danse. Objet du regard mais aussi de la vibration, une manière d'être en l'air, de fendre l'air, de peser sur le monde, de donner à sentir la gravité, de terrestres pensées, d'ailleurs à survoler. Et la métaphysique du geste, le corps qui parle, sans codes, libre, ouvert. Une danse abstraite ? Une danse de tous les jours, une danse par tous.
Les Plateaux Lorrains ne sont, finalement, outre la présentation des ambitions et des choix déjà fait, qu'un plat de questionnements encore fumants. La présentation d'une réflexion en cours, nourri des tentatives et des contraintes que l'on découvre au fur et à mesure.
Voilà donc un work in progress. Un travail en cours où l'on débusque les bonnes questions sans se soucier pour l'instant des uniques solutions. Entrailles au Plateaux Lorrains ou l'art des futurs funambules.
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